Je m'excuse par avance pour la mauvaise organisation de mes pensées du jour, mais ça bouillonne un peu trop. Ce billet me taraude depuis plusieurs semaines, j'imagine que ça va vous paraître bizarre qu'on puisse consacrer du temps-de-cerveau-disponible à cela, mais en fait plus ça va plus je me rends compte que je n'aime pas ce mot d' "expat".
Premièrement je n'aime pas ce mot parce que c'est un de ces raccourcis qui se veulent un peu plus cool, que moi je ressens toujours avec une connotation de snobinardisme, bon enfin ce n'est que mon avis ... mais "expatrié" en entier c'est quand même pas la mer à boire. Bon bref, le problème n'est pas là ... En fait, je trouve que ce mot décrit très mal une situation.. c'est une sorte d'étiquette que l'on se voit apposée sur le front, qui vient avec sa cohorte d'idées reçues par nos concitoyens non-expatriés (soit 99% d'entre eux j'imagine, ah non, je viens de faire le calcul, en 2006 il y avait 1.4 millions de français expatriés sur 65 millions, à la louche ... ce qui donne 2.15% donc seulement 97.85% de non expatriés) dès qu'on commence à parler d'un déménagement à l'étranger. Au rayon des idées reçues ou préconçues, surtout quand il s'agit de partir aux USA, les expatriés seraient tous riches, forcément habillés en Cyrillus/Bonpoint, ou Chanel/Hermès/YSL/Louis Vuitton selon l'âge, serre-tête pour madame et col de polo relevé sur la nuque pour monsieur, écoles privées avec uniformes, réunions très comme il faut régulièrement entres gens bien comme il faut, socialisation sur les bancs d'églises ou de synagogue, apéritifs chez l'ambassadeur (si seulement au moins il y a avait des chocolats..), ils n'auraient qu'à claquer des doigts pour que leur domesticité les aide, ... Bref, un halo de fantasmes pas vraiment clairs, et encore moins justifiés, souvent en plus confortés par des reportages dans les médias métropolitains tellement cliché, du genre mon-enfant-a-3-ans-parle-4-langues,-sait-écrire,-joue-du-piano-comme-Mozartjoue-du-piano-comme-Mozart,-et-sa-sortie-préférée-c'est-l'aile-Renaissance-du-Met, qu'on vous sert lors du n-ième reportage sur l'admission des petits chérubins dans les maternelles privées NYkaises ou Londonniennes. Alors j'imagine bien que la plupart d'entre vous ne pensent pas ça, enfin, pas à ce point là tout au moins, mais je pense que vous êtes également très loin d'imaginer à quel point ça peut être difficile parfois.
même le beurre s'y met pour me compliquer la vie!
Commençons par le début, zappons quand même l'étape visa, trop compliquée a résumer, passons directement à s'installer dans un pays au système bancaire totalement différent qui fait que, par exemple vous ne pouvez être payé que par chèque au début, OK ... beaucoup moins drôle quand on se rend compte que les premiers chèques ne pourront pas être crédités sur votre compte pendant les deux mois suivant l'ouverture de celui-ci, qu'évidemment vous ne pouviez pas ouvrir avant d'être sur place vu que pas de visa ni d'adresse. Ensuite comme vous n'avez pas de credit history (sorte de relevé de vos bons ou mauvais comportements en tant qu'usager des banques ou organismes de crédits qui vous donne une note) quand vous voulez enfin signer un bail de l'appartement -même pas de rêve- que vous avez enfin réussi à dégoter dans tomber dans tous les pièges, oh surprise, on vous demande d'allonger royalement et sans sourciller les 3 voire 6 premiers mois de loyer du dit appartement. Et évidemment votre paie n'est pas arrivée miraculeusement pendant ce temps là. Et évidemment votre interlocutrice de votre banque française a non seulement un petit pois dans la tête, doublée de deux bras gauches et d'un poil dans la main.. je sais bien qu'on a l'immense privilège d'avoir un cas, et qu'il ne faudrait en rien généraliser.. n'empêche ça aide vraiment pas dans ce genre de moments.
Ensuite l'école, une fois que vous avez enfin réussi à comprendre ce que vous cherchez exactement pour votre enfant, le système étant différent, ben non.. c'est trop tard, à partir de Novembre on ne s'occupe que de la rentrée suivante, et ainsi de suite. Sans compter qu'au passage on vous demande encore et toujours de payer ... et pas des petites sommes, plutôt de l'ordre de quelques mois de loyer. Et là, vous vous dites, mais quelle idée de fous on a bien pu avoir de quitter un système scolaire quasi gratuit, ou même l'école privée la plus côtée de la région parait donnée... Puis avec l'entrée a l'école vient sa pile de paperasses dont un certificat médical... rebelotte, tout a reprendre a zéro les vaccinations recommandées voire obligatoires ne sont pas les mêmes, donc il faut discutailler, trancher, convaincre, réfléchir.. et bien évidemment.. payer! Parce que même avec une assurance dans ce pays, voire une très bonne assurance, les premiers rendez vous coûtent facilement de l'ordre de 300$, les médicaments ça peut varier de quelques dollars en co-pay (sorte de forfait) au coût réel du médicament si votre assurance n'a pas mis ce médicament là dans ses remboursements... en gros vous passez votre temps à vous demander qu'est ce qui va bien pouvoir vous tomber sur la tête. Enfin, ça c'est au début parce que petit à petit, on s'habitue, on comprend mieux le système et on commence a avoir un avis singulièrement différent de ce qu'on croyait sur la sécurité sociale par exemple ... Bref, a mon avis pas besoin d'en rajouter.. vous avez compris ce que je veux dire, mieux vaut avoir les reins solides, et trouver de l'aide là ou elle se trouve, ce qui explique très certainement pourquoi les liens créés avec les compatriotes à l'étranger sont tellement plus rapides .. pas de temps à perdre! Alors on s'échange des téléphones de nounous, de médecins qui baragouinent un peu français (oui parce qu'un enfant figurez vous que ça aime pas des masses ne rien comprendre a ce que dit ce monsieur en blanc avec une seringue a la main), ou trouver ce type de produits, les astuces pour arriver à récupérer un linge a peu près propre a la sortie de la machine a laver (explications plus poussées dans un billet à venir sans aucun doute), les adresses de comptables qui nous aident a faire nos déclarations d'impôts.... Ah ça fait rêver la vie d'expat' non? Et encore je ne vous ai pas parlé de la jungle dans laquelle se retrouve plongé celui qui ne travaille qu'avec des américains, qui doit donc du jour au lendemain parler anglais 10h par jour, arriver a concilier son besoin d'une vraie pause déjeuner avec le rythme totalement différent de l'entreprise, comprendre et intégrer les nouveaux codes relationnels, culturels. Je vous ai volontairement également épargné comment gèrer les relations avec la famille, les amis restés en France, entre rassurer, ne pas inquiéter, ou faire partager, et les moments ou l'on se devrait d'être auprès des siens comme une naissance par exemple, ou d'autres circonstances plus tristes ...
Pour moi le principal problème vient de là: ce mot d'expat nous décrit comme étant loin de la mère patrie et c'est tout, peu importe qu'on soit au Nigeria, à NY ou à Buenos Aires.. premier écueil. Deuxième écueil, il ne tient pas compte du pays d'origine, encore moins de quelle région (horreur, voilà les parisiens amalgamés avec le reste des français! je rigole mais pas tant que ça, tellement je déteste ce parisianisme de bon aloi). D'ailleurs, quand on me demande "Where are you from?" dans la rue, ce qui arrive plusieurs fois par semaine, j'ai énormément de mal à répondre spontanément, si je dois faire ou non le distinguo entre où j'ai grandi (Paris), ou je me suis établie adulte en France (Normandie), de quelles nationalités je suis (Franco Suisse), ou j'habite (New York)... et donc la plupart du temps j'adapte la réponse au contexte, présumant quelque part de la réponse que l'autre attend. Et quand je développe, j'ai des fois des grosses surprises, comme le cousin germain Népalais d'un chauffeur de taxi qui habitait au même endroit que notre tout premier appartement à Caen ou l les enfants de celui qui a rencontré sa femme lors du débarquement...
Autre écueil, ce mot fige le statut que l'on a dans le temps, comme si le devenir de ceux partis en expatriation était gravé dans le marbre.. c'est quand même bien présomptueux de penser que les liens au pays d'origine seront tellement forts qu'on y reviendra une fois la période du contrat de départ écoulée, peu importe ce qui se passe pendant cette durée, en gros vous partez pour X années.. c'est le bagne ou le paradis peu importe, puisque vous avez signé, débrouillez vous... je me rends compte au bout de presque un an et demi qu'un nombre incroyable de familles étant parties pour une durée X contractuellement prévue se retrouvent soit à rentrer précipitamment ou au contraire se disent depuis déjà 10 ans, chaque année, qu'ils rentreront peut être.. un jour... S'il y a bien une chose qu'aucun expatrié n'a vraiment en main c'est cette durée là. Parce que celle ci dépend de vous et de vos performances en tant qu'employé ou même employeur, mais également de la vie de votre entreprise (rachats, fusions, faillites sont autant d'accélérateurs de mouvements d'expatriés) surtout quand votre type de visa comme aux USA dépend de vos compétences professionnelles par exemple, du contexte économique mondial (pas besoin de faire de dessins), ou encore plus prosaïquement des relations entre le pays d'accueil et la France, car quand les relations se tendent, cela se ressent aussi sur le nombre de visas délivrés ou la vitesse avec laquelle ce processus se fait. Je ne parle même pas du "petit détail" que constitue l'adaptation réussie ou non de votre famille au nouveau pays.
En parlant d'adaptation réussie ou non, je lisais une question à ce sujet sur le site Expat blog*. En gros, celle ci était
"quelle est la différence pour vous entre immigration et
expatriation?". Spontanément, j'aurai répondu que l'expatriation se
veut temporaire contrairement à l'immigration qui se veut définitive a
priori. Sauf que... j'ai cette impression que plus hypocritement, si
vous voulez/devez aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs mais
que vous venez d'un pays développé, ça s'appelle expatriation, si vous
venez d'un pays pauvre, ça s'appelle de de l'immigration .. ce qui nie
quelque part que l'immigrant puisse avoir envie de retourner dans sa
terre natale pour ses vieux jours, vienne t'il du pays le plus pauvre
de la planète ou bien l'expatrié puisse se sentir tellement mieux dans
ce pays d'expatriation parfois très peu développé qu'il veuille y rester définitivement.
"quelle est la différence pour vous entre immigration et
expatriation?". Spontanément, j'aurai répondu que l'expatriation se
veut temporaire contrairement à l'immigration qui se veut définitive a
priori. Sauf que... j'ai cette impression que plus hypocritement, si
vous voulez/devez aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs mais
que vous venez d'un pays développé, ça s'appelle expatriation, si vous
venez d'un pays pauvre, ça s'appelle de de l'immigration .. ce qui nie
quelque part que l'immigrant puisse avoir envie de retourner dans sa
terre natale pour ses vieux jours, vienne t'il du pays le plus pauvre
de la planète ou bien l'expatrié puisse se sentir tellement mieux dans
ce pays d'expatriation parfois très peu développé qu'il veuille y rester définitivement.
Enfin voilà, c'est sorti un peu en vrac, en malgré tout ça, à part le premier soir de notre arrivée à NY, il faudra que je vous raconte ça un jour, je n'ai jamais regretté une demi seconde ce choix que nous avons fait ... je serai curieuse de savoir si les autres expatriés qui passent par là ont ce même ressenti que moi... ou de savoir si vous en France c'est ce que vous imaginiez la vie d'expatrié ...
* Expat blog site qu'au passage je recommande plus que fortement à tous ceux qui ont des
projets d'expatriation ou juste comme mine d'informations sur les
autres pays du monde, vus de l'intérieur
projets d'expatriation ou juste comme mine d'informations sur les
autres pays du monde, vus de l'intérieur
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